Au-delà d’être l'animal emblème de ALL TIGERS, la protection des tigres fait partie intégrante de notre projet. Membre du réseau 1% FOR THE PLANET, ALL TIGERS reverse 1% de notre chiffre d’affaires à l’association Poh Kao, qui se bat pour préserver les tigres sauvages, et leur éco-système, là où ils sont le plus menacés.
Rencontre avec sa fondatrice, Véronique Audibert, qui nous parle de son combat pour la biodiversité.
Véronique Audibert, de l'association Poh Kao
Comment est née ta passion pour le monde sauvage ?
Je suis curieuse de nature, depuis toute petite je voulais comprendre pourquoi on était là, et j’aimais par-dessus tout la forêt et les animaux… Enfant, ma meilleure amie était un petit oiseau qui vivait dans un tronc d’arbre ! J’allais la voir en forêt le samedi et le dimanche, toute la journée !
Pour essayer de comprendre le monde, je me suis ensuite lancée dans des études de cinéma, j’ai dévoré des milliers de films pour avoir un aperçu global de l’homme, ses misères, ses angoisses, sa vie… Puis le test grandeur nature : je suis partie seule au bout du monde, toujours dans des zones plus reculées de la civilisation… Et là… le tigre ! La rencontre de ma vie ! Plus de 20 ans après, il me guide toujours…
En quoi cette rencontre a-t-elle été si déterminante pour toi ?
Le tigre a ouvert les portes sur le vivant, la planète, le mystère de l’évolution et sa perfection… L’homme a ses limites, mais la nature n’en a aucune ! On ne s’ennuie jamais !
Et c'est au Cambodge que tout a commencé ?
C’était en 1997, j’enquêtais sur le trafic des tigres dans le nord-est du pays. L’expérience d’être dans une forêt absolument vierge de toute destruction humaine, c’est indescriptible... Ce que l’on ressent est très fort : l’homme n’y est pas supérieur aux autres êtres vivants, il y est un prédateur au même titre que le tigre ou le léopard. Mettre ses pas dans la trace du tigre, c’est un sentiment très puissant.
J’ai fait de très nombreuses expéditions avec les chasseurs cueilleurs issus de minorités ethniques qui vivent au contact du tigre depuis toujours. Ce qu’ils m’ont enseigné est exceptionnel. Lors d’une mission, ils m’ont demandé de les aider. C’est pour eux que j’ai fondé Poh Kao en 2006. Dans leur langue, ça signifie à la fois riz, ensemble et manger. Tout un symbole !
Quel est l'objectif de Poh Kao ?
Ma conviction, c’est qu’il faut s’appuyer sur les populations locales pour préserver la biodiversité. Elles vivent en symbiose avec la nature. Ce sont les gardiens du vivant, ils nous montrent ce qu’est une relation équilibrée avec l’environnement. Et le tigre est bien plus qu’un symbole : quand il disparait, c’est le signe d’un éco-système ravagé. La biodiversité animale maintient les écosystèmes fonctionnels : les premiers à souffrir de leur disparition, ce sont les populations locales, souvent très pauvres. Il ne faut jamais oublier qu’1,2 milliards d’humains dépendent des forêts pour se nourrir !
Panthère nébuleuse
Cette zone au nord-est du Cambodge est au cœur de trois parcs nationaux transfrontaliers avec le Vietnam et le Laos, la plus grande zone de forêt primaire d’Asie du Sud-Est. Nous y protégeons toujours 24 espèces sauvages menacées, comme la panthère nébuleuse - le premier félin apparu sur terre il y a 81 millions d'année, ancêtre de tous les autres ! - mais aussi le gaur, le plus grand bovin au monde, le dhol, surnommé le chien sauvage asiatique, 5 espèces de primates, tout cela grâce aux patrouilles communautaires que nous avons mises en place. Nous avons formé les villageois de ces minorités ethniques aux techniques anti-braconnage et de lutte contre les coupes illégales de bois. Ce modèle de protection directe de la biodiversité et de la forêt primaire est salué par les scientifiques et les experts, le travail de nos patrouilles est reconnu, c’est une reconnaissance immense pour ce peuple de la forêt.
Mais le tigre, lui, y a disparu…
Dramatique ! Il y a 20 ans, il restait 800 tigres à l’état sauvage au Cambodge. Aujourd’hui, il n’y en a plus trace.
La demande est hélas incessante, comme ‘remèdes traditionnels’ en Asie, et, de plus en plus, comme symboles de statut social : tout cela nourrit un trafic orchestré par des organisations mafieuses qui tirent d'importants profits de la criminalité liée aux espèces sauvages. Au-delà du tigre, c’est toute la biodiversité de ce pays qui s’effondre. 60% des forêts y ont disparu ! Au-delà, à l’échelle mondiale, 60% de la population d’animaux sauvages a disparu en 40 ans, c’est une extinction de masse du vivant par l’homme.
Mais tu continues à suivre la trace du tigre jusqu’en Inde…
Je ne lâche pas le tigre ! Après le Cambodge, il m’a emmené en Inde. L’Inde abrite la grande majorité des tigres sauvages, mais la pression démographique, la fragmentation des aires protégées, et toujours la corruption et la braconnage, représentent une menace majeure pour l’avenir du tigre.
Au Rajasthan, l’ONG locale KRAPAVIS a mis sur pied un projet remarquable qui implique les minorités ethniques locales dans la préservation des tigres. Ils ne reçoivent aucun soutien des fonds étrangers, et les budgets locaux sont trop restreints. POH KAO leur apporte l’expertise technique et l’assistance pour lever des fonds.
Véronique et ses relais locaux
L’objectif est de doubler la population de tigres dans la région. Pour cela, il faut créer des étangs, replanter des arbres, pour préserver la biodiversité et donc la chaîne alimentaire du tigre. On veut aussi améliorer les conditions de vie des populations locales, en créant des coopératives de transformation du lait de leurs troupeaux, qu’ils pourraient ensuite vendre dans les marchés locaux.
Dans ce combat que tu mènes, quelles sont les victoires ?
Il y a eu 8 naissances de petits tigres cette année, dans notre zone d’action ! Comme je dis toujours, « Never give up », ne jamais renoncer ! Il faut y croire.
Il y a constamment de grandes satisfactions qui me font rugir de plaisir ! Obtenir un financement pour les projets, par exemple. Obtenir des résultats de terrain comme le sauvetage d’animaux sauvages, la destruction de pièges, grâce au travail incroyable des rangers communautaires. Contribuer à la création de parcs nationaux. Voir les super résultats obtenus par les ONGs locales qui protègent la faune, les animaux en général. Voir aussi des images de compassion entre l’homme et l’animal.
Et contre quoi faut-il se battre ?
Je sors les griffes contre les destructeurs du monde sauvage, les exploiteurs du vivant, tous ignorants, arrogants, cupides et égoïstes ! Le monde n’a pas besoin d’être sauvé, il faut juste arrêter maintenant de le détruire.
Mais le principal défi, c’est l’absence de moyens : la biodiversité n’est pas prise pour un enjeu majeur à l’échelle internationale, les fonds récoltés sont totalement insuffisants. Sur le terrain, nous avons des données, des connaissances, des compétences, mais les financements manquent ! Les grandes organisations captent l’essentiel des fonds de dotation, mais cet argent ne parvient pas là où c’est nécessaire. La survie des projets de terrain, à l’efficacité réelle, est constamment menacée.
On me demande souvent « est-il trop tard pour sauver la planète ? ». Mais la planète n’a pas besoin de nous, c’est nous qui avons besoin d’elle ! A ce rythme, c’est notre propre extinction que nous programmons, mais d’ici là, combien d’espèces auront totalement disparu à cause de notre espèce, et quel droit nous sommes-nous arrogés pour faire cela ? Il faut interroger notre morale, reconsidérer notre place parmi les autres vivants. J’espère que la nouvelle génération sera davantage consciente des enjeux.
C’est quoi ta "jungle", là où tu sens chez toi ?
Mon terrain de jeu, là où je me sens à ma place : le Cambodge, le Rajasthan, partout où l’empreinte de l’homme est en balance parfaite, où la biodiversité peut s’exprimer pleinement… C’est tellement apaisant !
Et c'est là que tu te sens ‘reine de la jungle’ ?
Quand je suis dans la jungle, absolument ! Quand on marche avec l’équipe, on traverse la forêt dense la plus sauvage, on revient vers les villages, avec les tigres pas loin, les ours, les panthères. Là j’adore ! je kiffe !
Quelle est la place des autres femmes dans ce combat ?
Une femme a été la personne la plus importante de ma vie, ma mère, elle m’a toujours soutenu dans mes choix pas très orthodoxes de vie ! Et d’une manière générale, les femmes comptent dans cette lutte pour préserver la biodiversité. Je pense à Suwanna Gauntlet de Wildlife Alliance Cambodge, à Rosie Cooney de SULI IUCN, à Amy Mailing de Wildlife Alliance Cambodge, des femmes extraordinaires qui ne se mettent pas en avant, elles font juste leur travail sur le terrain.
Prise de vue nocturnes de tigres du programme par les partenaires locaux de Poh Kao
Quels sont pour toi les Tigers ultimes ?
Je pense à Diane Fossey, à sa vie consacrée aux gorilles… Et à tous ceux et celles qui oeuvrent pour faire avancer la connaissance, pour défendre les plus fragiles, les sans voix – les animaux et la faune sont les sans voix par excellence. Gandhi, Einstein, Newton, ont tous questionné leur conscience par rapports à ces plus fragiles que sont les animaux, et ce que nous leur faisons subir. Aujourd’hui Leonardo Di Caprio, et beaucoup d’anonymes comme Nick Marx au Cambodge, ou Madame Delia Brémont, Présidente de la Fondation Ensemble en France qui est un soutien constant pour Poh Kao.
Naturel, vegan, cruelty-free : c’est important pour toi ?
C’est plus qu’important, ça fait partie de mon ADN aujourd’hui ! C’est un moyen à la portée de tout le monde pour relâcher un peu la pression, la violence, la cruauté envers nos frères animaux. J'essaie de me faire le porte-voix des « sans-voix », notamment ceux qui vivent sur les zones où Poh Kao intervient.
Et le rouge à lèvres, ça a sa place dans une vie de combats ?
C’est important de rajouter une touche de couleur à la réalité. J’en mets presque tous les jours, sauf pour les rendez-vous de travail ! C’est le symbole de la fantaisie, du futile nécessaire pour peindre un monde plus riant.
Ta couleur fétiche de rouge à lèvres ?
Orangé ! Comme le tigre !
Ton parcours, ton engagement, tes projets... C'est impressionnant. Tu es notre Tiger suprême ! Il faut te choisir un totem !
Je m’en choisis un : MERCY TIGER !
Merci, Véronique !