Si puissant, et pourtant si menacé, le tigre, symbole de la majesté autant que de la fragilité de notre environnement, victime du braconnage, de la sècheresse, de la raréfaction des gibiers... Le 29 juillet, la journée internationale du tigre vise à attirer l'attention sur les risques de disparition des tigres sauvages. Il y en aurait moins à l'état sauvage... qu'en captivité chez des particuliers aux Etats-Unis !
Membre du 1% FOR THE PLANET, ALL TIGERS reverse chaque année 1% de son chiffre d'affaires pour la préservation du tigre sauvage en Asie. Véronique Audibert, fondatrice de PoH Kao – Des Tigres Et Des Hommes, fait pour nous le point sur le projet de conservation soutenu par ALL TIGERS - et que vous soutenez donc par vos achats -, comme dans le parc national de Sariska au Rajasthan, en Inde.
Une tigresse et ses petits à Sariska, une victoire pour le projet !
Où en était le projet à Sariska avant la crise COVID-19 ?
Le projet a fait des avancées significatives qui ont permis de sécuriser l’habitat du tigre, son accès aux ressources de gibier et à l’eau. En premier lieu, le projet vise à en renforcer la coopération entre les comités villageois et les rangers du parc national qui ne peuvent pas avoir les yeux partout. Les sentinelles villageoises sont des relais importants au sein des hameaux pour impliquer chacun dans la protection.
Par ailleurs, les 50 000 arbres plantés dans le cadre du projet ont permis à la fois de stabiliser les sols dans une région qui a connu l’an passé les records mondiaux de canicule, et assurent une réserve alimentaire pour les ongulés et cervidés, proies du tigre. Enfin, les grands réservoirs d'eau de mousson qui ont été élargis pour certains, creusés à mains d’hommes pour d’autres, assurent un accès vital à l’eau pour le tigre, les animaux sauvages, mais aussi les troupeaux de buffles, chameaux et chèvres des villageois.
Les donations de ALL TIGERS ont été déterminantes pour l’avancée de ces activités et ont pu compléter les financements du projet, qui restent en dessous des réels besoins. Un abreuvoir a été entièrement financé par ALL TIGERS, qui permet à plus de 500 têtes de bétail de s’abreuver, sans compter les animaux sauvages, puisque l’infrastructure a été construite en dehors des villages, dans un habitat intact de biodiversité.
Il faut noter que depuis la coopération entre notre relai local, Poh Kao et ALL TIGERS, et le premier don reçu il y a deux ans, le parc a vu sa population de tigres augmenter pour atteindre 20 individus. Une tigresse a donné naissance deux fois à des triplés ! 2020 a été une année excellente puisque 5 tigres sont devenus adultes et 4 tigrons sont nés. Par ailleurs, les caméras à déclenchement automatique ont révélé un comportement encore jamais observé chez l’espèce : à savoir un tigre mâle prenant soin de sa portée, l’éduquant à la chasse, suite à la mort de la mère.
Sa majesté étanche sa soif dans l'abreuvoir construit par l'association
Selon toi, quel peut être l'impact de la crise COVID-19 et du confinement sur le projet et la situation du tigre et de son écosystème ?
L’impact de la COVID-19 est immense pour tous. Mais dans ce pays-continent, c’est une épreuve majeure pour toutes les populations, et en particulier à Sariska. Cette région du Rajasthan où se situe le parc a également été touchée par une grande invasion de criquets pendant le confinement, la chaleur et la sécheresse y atteignent des records et ces phénomènes sont des impacts directs du dérèglement climatique, opéré par les activités humaines.
Pour les communautés villageoises, le confinement est toujours en cours : pour ces pastoralistes végétariens cela veut dire que leur unique source de revenus, le lait vendu dans les villages en dehors du parc, a tari depuis mars. C’est avec cet argent que les villageois peuvent acheter de la farine - ils ne sont pas cultivateurs, la mise en culture est strictement interdite dans le parc national - et confectionner leur pain. Pas de pain depuis mars, seulement du lait et des feuilles.
Les réservoirs d'eau bénéficient également au bétail, unique moyen de subsistance des populations locales
Il y a un danger à ce que certains cherchent d’autres sources de revenus. Une recrudescence de braconnage dans le monde a été observée ainsi qu’une accélération de la déforestation... Heureusement le contact téléphonique est maintenu entre notre relai local et les comités des villages pour veiller : pour l’instant, aucune activité illégale n’a été rapportée.
L’association locale va orienter provisoirement nos dons vers la sécurité alimentaire des populations locales par la distribution de farine, et l’accès aux soins médicaux (masques, paracétamol etc). Il faut noter aussi que le tigre peut aussi être contaminé par la COVID-19, et tout doit être mis en œuvre pour éviter la transmission : la population de tigre en Inde ne s’en remettrait pas.
Mais il y a aussi un impact positif de la COVID-19, tout le monde a pu le constater. La nature a pu un peu souffler, loin de l’agitation trépidante des humains. A Sariska, les rivières sont devenues claires, indemnes de tout plastiques et polluants. Il y a eu une réduction drastique des feux de forêt. On sait aussi que l’absence d’activités humaines permet de réduire le niveau de glucocorticoïdes chez les tigres, l’hormone du stress, qui a des répercussions sur le taux de reproduction. Justement, deux tigresses ont mis bas 4 petits, il est plus que probable que d’autres naissances ont lieu en ce moment-même.
La crise de la COVID-19 n'est pas une surprise pour ceux qui alertent depuis des années sur les ravages de l'activité humaine sur la biodiversité. Poh Kao est également active au Cambodge, tu connais bien cette situation. Pour celles et ceux qui ne voient pas le lien entre défense de la biodiversité et l'épidémie, peux-tu nous aider à y voir clair ?
Depuis 20 ans l’Institut Pasteur mobilise toutes ses forces en Asie du Sud-Est, sachant que les grandes pandémies émergeront de ce côté-ci du monde. Nous avons eu H5N1, le Sras, aujourd’hui la COVID-19...
La majorité des virus transmissibles à l’homme vient des forêts primaires tropicales. Ils y sont présents depuis toujours, et les espèces y sont adaptées. Comme la chauve-souris porteuse d’Ebola et du Sida au Congo sans que cela n’affecte sa santé. Ce sont les activités humaines qui pénètrent toujours plus dans les derniers bastions de forêts tropicales qui sortent les virus en dehors de leur habitat naturel. La déforestation ces 40 dernières années a été spectaculaire, partout et notamment en Asie, les humains sont entrés toujours plus profondément, s’exposant à des virus inconnus, plus encore, ils ont braconné et consommé la faune jusqu’à atteindre des seuils critiques d’extinction, et pour alimenter un marché toujours croissant d’animaux sauvages.
Sans activités humaines dans ces zones, déforestation, braconnage pour alimenter le marché de viande de brousse ou la pharmacopée traditionnelle, nous n’en serions pas là.
En Chine, sur le marché de Wuhan, des espèces sauvages qui ne sont jamais en présence l’une de l’autre dans leur habitat, se retrouvaient entassées, empilées dans des cages, dans un état de stress intense favorisant la baisse du système immunitaire et la propagation des maladies, chacun faisant ses déjections sur l’autre, le loup sur le pangolin, le pangolin sur le chat léopard etc. L’animal choisi et abattu devant le client, car la tradition du souffle vital pris à un animal pour se l’approprier a connu une recrudescence, c’est une nouvelle manière d’afficher sa richesse en Chine. La COVID-19 est née de ce contexte. Les épidémiologistes biologistes ne savent toujours pas quelle a été la chaine de transmission.
Les grandes instances internationales ont-elles saisi l'occasion de la crise pour faire avancer le sujet ?
Etrangement, le sujet n'a pas été très relayé par les medias français, mais ces 4 derniers mois, les plus grandes institutions ont mis en place des initiatives d’urgence de grande ampleur pour contrer le commerce international illégal d’animaux sauvages. Le secrétaire général de l’ONU a appelé à la fermeture définitive de tous les marchés d’animaux sauvages dans le monde, la Chine s’est engagée, mais l’on sait que certains ont déjà ré-ouverts.
Cela pose la question de notre place dans notre éco-système. Sommes-nous, comme le tigre, une espèce menacée...?
Avec le Coronavirus, pour la première fois, dans notre courte histoire, l’homme a vu que son château, sa tour d’ivoire, pouvait s’écrouler en quelques semaines.
C'est une réflexion globale sur la place que nous nous sommes donnée en tant qu’espèce sur les millions d’autres qui peuplent cette planète depuis 4 milliards d’années, rappelons que la civilisation humaine n’a que 10 000 ans…
Les scientifiques admettent aujourd’hui que cette vision suprémaciste, qui nous donne l'illusion d'être entièrement indépendant de la nature, provoquera notre chute si nous n’admettons pas notre appartenance à l'éco-système, si nous ne sortons pas de ce blocage culturel. Claude Levi-Strauss a dit « Si l’homme est respectable, c’est d’abord comme être vivant plutôt que comme seigneur et maitre de la création ».
"Les lois de la nature s'appliquent aussi à notre espèce..."
La croyance d’une croissance infinie dans un monde fini, n’est pas encore retombée. Le vivant, l’environnement, n’ont toujours pas acquis notre respect. Notre orgueil nous fait-il ignorer que les lois de la nature s’appliquent aussi à notre espèce ? Pourquoi avec notre intelligence n’a-t-on pas su éviter la surpopulation et l’épuisement des ressources naturelles alors que les animaux se régulent depuis toujours ? On pense à la phrase de Pierre Jouventin, du CNRS « L’homme est-il devenu un inadapté de la nature, un animal raté ? ».
A quoi aspires-tu pour l'après-crise pour celles et ceux qui défendent la biodiversité ?
Nous voyons déjà que cette crise a été un accélérateur dans la prise de conscience de l’urgence à sauvegarder les écosystèmes. Il faudrait encore que les moyens financiers mis à la disposition des associations dédiées à la diversité, sortent de la logique de compétition : remporter aujourd’hui un appel à projet relève quasiment de mission impossible. L’argent va aux plus grosses organisations, et les acteurs de terrain ne bénéficient que trop peu du ruissellement.
La protection de la biodiversité s’appuie toujours sur de généreux donateurs, aujourd’hui les états, les entreprises doivent investir dans la préservation du vivant, des écosystèmes, car la valeur de ce qu’ils nous apportent est incommensurable. Les services rendus par les écosystèmes sont aujourd’hui calculés par les scientifiques vs les pertes causées par l’activité et la cupidité humaine.
Surmonter cette crise implique une authentique révolution concernant l’ensemble des peuples du monde, où la science sera écoutée, et où la pensée de Victor Hugo pourra être démentie « C’est une triste chose de penser que la nature parle et que le genre humain n’écoute pas ».
Merci Véronique, et merci à vous tous et toutes qui nous soutenez.
Lire aussi : la présentation du projet Poh Kao en 2019
Si vous souhaitez soutenir Poh Kao de manière très directe, vous pouvez contacter Veronique via l'email : audibert.pohkao@pohkao.com ou vous rendre sur le site de Poh Kao. Les particuliers peuvent faire un don direct et recevoir un reçu fiscal.
Poh Kao fait également partie du site Prizle : vous pouvez faire sur ce site toute une série d'achats du quotidien avec des grandes entreprises partenaraires (Gap, Cdiscount, Trainline, etc.) et choisir qu'une commission soit reversée à Poh Kao.
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